Introduction

En l’espace d’une dizaine d’années, les caméras de surveillance qui étaient principalement utilisées
dans des espaces privés (banques, résidences privées, centres commerciaux) le sont aujourd’hui aussi
dans nombre d’espaces publics ou à usage public. Portée par un marché de la sécurité florissant et
valorisée par des politiques d’Etat incitatives en Angleterre au début des années 1990 1 et, plus
récemment en France, cette technologie s’est en effet progressivement imposée comme un moyen
incontournable pour assurer la sécurité dans les villes (rues, places publiques, squares). Elle séduit
nombre de maires qui en font un élément central de leur stratégie municipale de lutte contre l’insécurité.
Le ministère de l’Intérieur (Direction des libertés publiques et des affaires juridiques - DLPAJ) estime
ainsi qu’à la fin de l’année 2006, 1142 communes étaient équipées d’un système de vidéosurveillance.
Elle connaît aussi, en France comme dans la plupart des pays occidentaux, un réel succès auprès de
l’opinion publique. De manière significative, dans un récent sondage IPSOS réalisé en mars 2008 auprès
d’un échantillon de 972 personnes, 71% des personnes interrogées se disent favorables à la présence
de vidéosurveillance dans les lieux publics, 43% pensent qu’il n’y a pas assez de caméras dans les
espaces publics et 65% considèrent que la vidéosurveillance permettra de lutter efficacement contre la
2
délinquance et le terrorisme .
La vidéosurveillance a ainsi acquis une forte légitimité politique et sociale. Et pourtant, de manière
étonnante au regard des coûts importants d’un tel dispositif, aucune étude évaluative n’a interrogé son
rapport coût/efficacité. Plus largement, aucune étude évaluative de la vidéosurveillance dans l’espace
public n’a, en France, été conduite permettant d’en mesurer les capacités préventives et/ou répressives
(identifier et améliorer le travail d’élucidation des services de police). Seules deux études conduites par
l’IAU île-de-France à la demande de la Région, l’une sur les transports en commun, l’autre sur les lycées
ont permis d’identifier les usages et les impacts de la vidéosurveillance dans ces espaces 3 . Mais aucune
étude évaluative des dispositifs de vidéosurveillance gérés par les municipalités, spécifiquement dédiés à
la surveillance des rues, des places, des jardins (…) n’a aujourd’hui été menée et rendue publique.Tout
se passe comme si l’efficacité de tels équipements était évidente. Et pourtant, les travaux évaluatifs des
criminologues britanniques, mais aussi australiens ou suisses, convergent dans leurs conclusions :
l’efficacité de la vidéosurveillance est très variable selon le type de délits, les lieux surveillés, la qualité du
matériel et de la formation des opérateurs chargés de visionner les images comme de leurs relations
avec les services de police.
On peut d’autant plus légitimement regretter la quasi absence d’évaluation française 4 , comme la
faible diffusion des études conduites ailleurs, notamment outre Manche, que cet outil est financièrement

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Les subventions versées par le Home Office dans le cadre de cette politique incitative auprès des acteurs publics et privés sont
évaluées à 37 millions de livres.
2
Enquête IPSOS, Les Français et la vidéosurveillance (voir annexe 3).
3
Evaluation de l’impact de la vidéosurveillance sur la sécurisation des transports en commun en Région Ile-de-France, IAU île-deFrance, Sophie Mariotte, mars 2004, La vidéosurveillance dans les lycées en Ile-de-France. Usages et impacts, Tanguy Le Goff,
IAU île-de-France, juillet 2007.
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La France n’est toutefois pas un cas isolé. En Australie, ce n’est qu’en 2006 qu’une première étude évaluative a été publiée en
dépit, remarquent ses auteurs, des « très importants financements investis dans la technologie de la vidéosurveillance », Crime and
CCTV in Australia : Understanding the relationship, Hélène Wells, Troy Allard and Paul Wilson, Report for the Australian Research
Council (ARC), december 2006, p.96.

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