coûteux et qu’il n’est pas sans risques pour les libertés individuelles 5 . Il suscite d’ailleurs des inquiétudes,
des craintes sur son caractère « inquisiteur » qui sont parfois relayées au niveau local par des structures
associatives de dimension nationale, La Ligue des droits de l’homme ou le Collectif national anarchiste
« souriez vous êtes filmés » qui n’hésitent pas à s’opposer, au nom du respect des libertés individuelles,
à des projets de vidéosurveillance dans l’espace public. Exerçant sa fonction de « surveillance
démocratique » sur l’action du politique 6 , la CNIL elle-même, dans un récent rapport, fait part de son
inquiétude quant au nombre croissant de demandes de conseils et de plaintes relatives aux usages de
systèmes de vidéosurveillance dans les espaces privés et publics qui lui sont adressées. Ces plaintes
concernent en grande majorité : les lieux de travail, les copropriétés, la voie publique et les
établissements scolaires. Dans un souci de vigilance démocratique, cette autorité de régulation estime
nécessaire de clarifier les dispositions juridiques françaises encadrant l’installation et l’exploitation de la
vidéosurveillance et de les adapter aux nouvelles avancées technologiques. Elle plaide également pour
une évaluation de la pertinence et de l’efficacité des dispositifs de vidéosurveillance sur les lieux publics.
« Confrontée à un très net accroissement des demandes de conseil, des plaintes et à la complexité de la
législation existante, notre Commission constate qu’il est nécessaire et urgent de clarifier rapidement le cadre
juridique actuel de la vidéosurveillance. Suivant la même courbe exponentielle de développement que celle des
autres technologies informatiques, les dispositifs de vidéosurveillance se modernisent à une vitesse tout aussi rapide.
Ces systèmes ont définitivement basculé vers le « tout numérique » […]
Il convient ici de souligner l’extrême gravité du problème posé, compte tenu du fait que la concurrence des
deux régimes juridiques conduit à rendre le cadre légal de la vidéosurveillance extrêmement complexe, flou et
aléatoire, dans un domaine touchant aux libertés publiques fondamentales.
Cette question, majeure, est celle de la nécessaire conciliation entre l’exigence d’assurer la sécurité collective et
le respect, dans le même temps, d’un droit fondamental au respect de la vie privée, de l’intimité, de l’identité. Or,
notre préoccupation est d’autant plus vive que le gouvernement souhaite très fortement augmenter le nombre de
systèmes de vidéosurveillance. Dès lors, ces objectifs de déploiement ne pourront s’opérer, de façon harmonieuse et
respectueuse des libertés, que sur des bases juridiques claires, offrant aux citoyens toutes les garanties nécessaires. »
Extrait de « Vidéosurveillance et garantie des droits individuels - Note sur les difficultés d’application des règles relatives à la
vidéosurveillance, à l’attention de Madame Michèle Alliot-Marie, Ministre de l’Intérieur, de l’Outre-Mer et des collectivités
territoriales », Alex Türk, CNIL, 2008.

Quelles sont les capacités de la vidéosurveillance pour assurer la protection des espaces publics ?
Quels en sont les impacts sur la délinquance et le sentiment d’insécurité ? Comment expliquer
l’engouement pour la vidéosurveillance ? Le cadre juridique français est-il encore pertinent face à cet
essor ? Quels enseignements tirer des évaluations des dispositifs de vidéosurveillance menées à
l’étranger ? Quels en sont les principales méthodes et les critères d’évaluation ? Telles sont les questions
au cœur de cette étude dont l’objectif est double :
1 - comprendre les raisons de l’actuel essor, en France, de la vidéosurveillance dédiée aux espaces
publics et les problèmes juridiques qu’il pose ;
2 - dresser un état des lieux des études relatives à l’impact et aux usages de la vidéosurveillance
dans les espaces publics. On s’appuiera sur les études évaluatives de dispositifs de vidéosurveillance
réalisées dans différents pays occidentaux (Australie, Angleterre, Suisse, Canada), plus particulièrement
celles produites par le Home Office qui sont, encore aujourd’hui, les plus exhaustives et les plus fiables
sur le plan méthodologique.

5

Plusieurs études évaluatives ont d’ailleurs consacré de larges analyses à cette question, voir notamment l’étude de l’équipe de
Jean Ruegg en Suisse, Genève, 2006.
6
Sur les « acteurs de la surveillance démocratique », voir le chapitre 2 de l’ouvrage de Pierre Rosanvallon, La contre-démocratie.
La politique à l’âge de la défiance, Paris, Seuil, 2006.

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